Des provisions pour l’hiver (atelier Gfen, hiver 2017)
L’hiver arrive.
Dans ton terrier, tu oublies les sons. Un piano engourdi tourne dans ta tête.
La matrice de la parlotte fond.
Les atomes de mots fondent sous tes pensées.
Une cage se referme. Un air de pâte à crêpes dans les éclaboussures sourdes des mots, glissé contre ma nuque, tu rêves.
Tu rêves de purs crépitements pourpres. Tu rêves de nos derniers orages.
L’hiver s’installe.
Dans ton terrier, tu oublies. Le silence fige les visages.
Anesthésie croustillante. Cristallisation du cœur.
L’hiver s’achève.
Tu te délivres dans une diffusion incandescente de mandarine.
Tu prends une revanche.
Tu as combattu tes profondeurs.
Tu incarnes désormais la lisière des saisons, une tentative toujours renouvelée…
…Une épopée matriochka…
Dans les intervalles (printemps 2017)
C’est comme ça.
Elle a cessé d’ouvrir les portes aux yeux de ceux qui font de l’ombre.
Elle a voulu retrouver intact son projet et s’enrouler dans l’âme du voyage.
Elle ne veux pas se sentir obligée d’expliquer pourquoi.
Des mots pour tout, pour habiller l’indicible et nourrir tous ces inassouvis. Tout ça, c’est fini.
Partir pour partir.
Ne rien laisser sur la rive.
Entrer dans l’intervalle et ouvrir l’espace entre.
Bamako, Lima, Bogota, et Cotonou…
Cueillir les empreintes, ramasser les traces de l’avenir et se sentir à l’abri de lui.
Elle ne veut plus se sentir obligée d’expliquer pourquoi.
Dérouler l’histoire, vomir les pas assez, les oui mais, les tu verras…
Elle, sa valise et leurs souvenirs scellés, ont trouvé une destination.
Quitter l’odeur des draps tièdes au petit matin. Puiser sa force dans les départs chaotiques.
« Les passagers du vol B7282 à destination de Santiago sont priés de se présenter à la porte d’embarquement B26… passengers to…. »
Elle se lève, elle agrippe la poignée de sa valise orange.
Elle n’a plus peur.
Sous ses tempes un bruit de lune, un petit tintement, une chute extatique.
Elle ne trébuche pas.
Elle part, c’est comme ça.
Bleu (hiver 2016)
Du bleu – sans nuance –
La peur – serrée au fond de l’estomac –
Au loin le sifflement d’une bouilloire.
Dans un élan de courage, j’ouvre les yeux et je m’avance d’un pas, tout au bord.
Je prends une profonde et longue inspiration.
Ma chevelure se libère du ruban et dégouline jusqu’au bas de mon dos.
Souvenirs de bord de lac.
Bleu – souvenirs ecchymoses d’un été choc.
Tu nageais bien, tu parlais peu.
Mes joues rouges, tes yeux bleus.
Les voix s’enchevêtrent, le sifflement persiste.
Le même motif qui revient.
Un mécanisme contre lequel il est impossible de lutter ?
J’ai envie de fumer le calumet de la paix avec mes souvenirs.
Un gravillon s’obstine encore.
Immensément bleu.
Une chaleur épaisse m’inonde. J’ai mal au cœur.
Tout ce bleu me donne la nausée.
Me voici pour la seconde fois au bord du ciel.
Territoires de fièvres (hiver 2016)
« Un goût de chimie pataugeait dans ma bouche asséchée. Depuis combien de temps étais-je là ? »
Les draps étaient trempés. Il faisait nuit. Je n’avais aucune idée de l’heure. Était-ce la fin de l’après-midi ou la milieu de la nuit ? Tu n’étais pas là. Je tentai d’ouvrir les yeux. Une douleur orbitale fulgurante m’en empêcha. Je me concentrai alors sur les bruits. C’était calme. Comme un jour sans électricité. Soit c’était le milieu de la nuit soit l’électricité avait été coupée. Encore une fois. A ce moment-là de la fièvre, j’ai perdu le fil des journées et des nuits. Le décompte n’opérait plus. J’étais trempée, j’avais froid. D’un coup, la colère me débordait et j’aboyais contre le sifflement des geckos qui me striait les pensées.
Tu n’étais plus vraiment là. J’avais en permanence un goût de sang dans la bouche et quand je ne criais pas, je me noyais. Je tombais dans un lac gelé. Je m’entendais respirer, à côté. La sonnerie de mon téléphone me ramenait de temps en temps à la surface. J’avais soif. Je sentais la peau autour de mes lèvres se craqueler.
Le feu, la glace, j’étais trempée, j’avais froid.
Tu m’as prise contre toi, plusieurs fois. Rien n’y faisait. J’étais impossible à réchauffer. Ce n’était pas ta faute… (et pourtant…) (Le chat était en train de vivre ses derniers moments)
Le mercure était à son apogée. J’habitais les intervalles de ma conscience. Des labyrinthes de sueurs et de fuite éperdue.
Quand je réussis enfin à ouvrir les yeux, tu étais allongé à côté de moi. Le jour se levait. Je n’avais aucune idée du temps qui était passé mais je savais que c’était le jour pour prendre le bateau. La chaleur de février m’étouffait.
Bladibaka